LA VALSE DES CONTINENTS " Amérique centrale "
Depuis sa formation, notre planète ne cesse de se transformer.
Des collisions inouïes ont créé les continents.
Des forces colossales ont soulevé les planchers océaniques, qui sont devenus des montagnes grandioses.
Ces mouvements à la surface de la Terre se manifestent encore à coups d'éruptions, de séismes ou de tsunamis.
La tectonique sculpte nos paysages, modifie le climat, déplace les océans et peut même influencer le monde vivant.
L'Amérique centrale et les Caraïbes sont composées d'une fine bande de terre et d'une multitude d'îles dispersées.
Des paysages à l'histoire géologique tourmentée.
Encerclée par l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud, la région a toujours été soumise à des forces colossales.
Aujourd'hui, ce paradis tropical vit sous la menace d'un séisme ou d'une éruption.
Des flancs des volcans jusqu'aux profondeurs de la mer, des déserts aux villes sinistrées, des scientifiques étudient ce territoire qui se transforme au gré de l'incessante valse des continents.
A cheval entre mer et montagne, l'Amérique centrale arbore des paysages d'une diversité exceptionnelle: à l'est, la mer des Caraïbes, parsemée d'archipels, fait face à l'océan Atlantique.
A l'ouest, un ruban de terre va du
Mexique jusqu'au nord de la Colombie et ouvre sur le Pacifique.
L'histoire de cette région est unique dans l'épopée de la Terre.
Si la plupart des continents sont âgés de milliards d'années, est plus jeune.
Elle est née dans la mer il y a 150 millions d'années.
Comprendre en détail toutes les étapes de sa formation, c'est l'objectif de
T. Calmus, géologue à l'université du Mexique.
Son terrain d'enquête est au nord du Mexique, non loin de la ville d'
Hermosillo, capitale de l'Etat du Sonora.
Nous voilà au coeur de la Sierra Madre occidentale, chaîne de montagnes traversant le pays sur 1 000 km.
Ces sommets sont les vestiges du début de la création de l'ouest mexicain.
Il y a environ 200 millions d'années, les futures Amériques du Nord et du Sud dérivent vers l'ouest.
Elles percutent une plaque océanique, ancêtre du Pacifique.
Baptisée "plaque
Farallon", cette dernière disparaît dans les profondeurs du manteau terrestre.
- Cette plaque Farallon s'est enfoncée progressivement, jusqu'à 20 millions, sous les plaques d'Amérique du Nord et du Sud.
Cette subduction a provoqué des phénomènes magmatiques: plutonisme, intrusion de roche magmatique en profondeur, et volcanisme, roche magmatique qui arrive à la surface.
C'est le cas ici.
Nous avons un relief typique lié à la subduction.
- Thierry Calmus cherche les derniers vestiges de la plaque Farallon, presque totalement disparue.
Il se rend à la mine de La Caridad, une importante mine de cuivre.
Ici, la montagne est éventrée sur des milliers de m2.
Pour le chercheur, les roches mises à nu se transforment en livre ouvert sur le passé.
- On est là pour une raison simple: les plaques disparaissent, et le gros de la Farallon a disparu, en subduction.
Mais on a des témoins, comme les volcans témoignent des subductions actuelles, de cette subduction ancienne qui s'est déroulée jusqu'à il y a 20 millions d'années:
les mines de cuivre, liées au magmatisme, associé à la subduction
- Le cuivre d'ici est issu du plancher océanique qui composait la plaque Farallon.
Quand elle s'est enfoncée sous la plaque nord-américaine,
le minerai a été emporté par l'eau et le magma, puis est remonté à l'intérieur des fissures de la croûte continentale.
Ce gisement est donc le résultat direct de la collision d'autrefois.
Par de multiples prélèvements, T. Calmus espère mieux connaître les mouvements qui ont animé la région il y a des millions d'années.
En disparaissant, la plaque Farallon a amorcé la construction de l'Amérique centrale et a laissé la place à la plaque océanique pacifique.
Et, il y a 150 millions d'années, se produit au coeur de cet océan la naissance de la plaque caraïbe.
Les traces de ce phénomène se trouvent dans les Antilles, sur l'île de
La Désirade.
Ici, les vagues de la mer des Caraïbes fouettent un littoral au contour déchiqueté.
Partout, les plages sont parsemées de pierres volcaniques et de dômes de basalte.
C'est le terrain d'enquête des géologues
Luc Legendre et
François Michel.
Ensemble, ils étudient les indices de la formation de la plaque caraïbe.
- Voilà les tufs volcaniques.
Ah... des "pillow lava" comme on n'en fait plus.
- "Pillow lava", c'est un terme anglais, parlons de coussins de lave.
Ces coussins se sont formés au fond de l'océan de profondeur, sous une pression d'eau froide.
On voit le pédoncule, on imagine la lave qui sort. Elle va faire cette bulle et refroidir rapidement.
On voit très bien autour une espèce d'enveloppe qui a refroidi plus vite.
Si on regarde en dessous, il y a une zone bulleuse, et le coeur ici, en basalte, et ainsi de suite, ça s'est accumulé.
C'est magnifique.
- Pour les spécialistes, ces coussins de lave sont les seuls témoins de la formation de la plaque caraïbe.
Ils sont le fruit d'un volcanisme intense, au niveau d'un "point chaud": une zone où, sous la surface, une température très élevée régne en permanence.
D'énormes quantités de magma remontent des profondeurs, s'accumulent sous la surface, puis se répandent sur le fond marin.
La croûte océanique s'épaissit localement et finit par engendrer une nouvelle plaque tectonique.
- Nous voilà avec notre bathyscaphe, 150 millions d'années en arrière, à regarder le fond de la mer avec la lave et les "pillow" qui se forment.
- Tu nous dis l'âge de ces coussins de lave ?
- On a pu dater les "radiolarites", là, sous nos pieds.
Ils contiennent des microfossiles qui nous donnent un âge...
Il s'agit ici de la fin du
Jurassique, il y a 145 ma
Ces microfossiles sont caractéristiques de cette époque.
- Ce qui est important à dire, c'est que: fin du Jurassique, 145 à 150 millions d'années, l'Atlantique s'ouvre à peine, donc on est dans le Pacifique.
- Oui, voilà une énigme.
Les géologues se sont posé pendant des dizaines d'années des questions sur ces roches et leur origine, et grâce aux études successives,
on sait maintenant que l'on a, à Désirade, un témoin du début de la formation de la Caraïbe, tectoniquement.
- Pendant longtemps, la date et le lieu de la formation de la plaque caraïbe sont restés un mystère.
Mais les formations rocheuses de La Désirade ont apporté la preuve de son émergence au coeur du Pacifique, loin à l'ouest des deux Amériques.
Par la suite, les plaques américaines continuent leur lente dérive vers l'ouest.
Résultat, la plaque caraïbe s'insère progressivement entre les deux géants.
- On a là, vraiment, un témoin rarissime de la formation côté Pacifique.
Cet ensemble de roches que nous avons sous les yeux s'est formé du côté Pacifique, et c'est à mesure que les deux Amériques sont parties vers l'ouest a pu s'insinuer,
comme (??), entre ces deux blocs énormes, au nord et au sud.
- Il y a environ 100 millions d'années, la jeune plaque caraïbe acquiert sa position actuelle, à la lisière des plaques atlantique et pacifique.
Mais, sur sa façade est, la rencontre avec l'océan Atlantique ne se fait pas sans heurt.
Les deux plaques se percutent violemment.
La plaque atlantique, plus dense, plonge sous la caraïbe.
Au point de contact, la roche se fissure.
Du magma jaillit des profondeurs... et un arc d'îlots volcaniques se forme au-dessus des flots.
Au coeur de l'archipel des Petites Antilles, le volcan de la
Soufrière en est le témoin le plus célèbre.
Il est situé en Guadeloupe, à 10km de la ville de Basse-Terre.
Sur les flancs du volcan se trouve l'observatoire de Guadeloupe.
Les chercheurs y sont aux premières loges pour surveiller l'activité du monstre.
Une équipe de volcanologues part en mission sur le terrain.
L'accès est difficile.
D. Gibert, chercheur à l'Institut de Physique du Globe, se fait hélitreuiller.
Ils ont pris un appareil haute technologie: un scanner géologique pour scruter les entrailles de la Soufrière.
un téléscope à rayons cosmiques, qui est un prototype, forme de détecteurs de particules, les cadres jaunes ici, qui mesure la quantité de particules cosmiques
qui traversent le volcan.
Par ces mesures, on peut déterminer la densité du dôme.
Plus la roche est dense, plus elle arrêtera les particules.
Donc on radiographie le volcan avec ce télescope.
- Pendant des heures, toute la surface est passée au crible du scanner.
Un spectre de couleur se matérialise pour symboliser la densité de chaque type de roche.
Les zones rouges sont les plus denses, les bleues sont les plus fragiles.
- L'intérêt de ces expériences, c'est qu'elles nous renseignent sur la structure du volcan.
A sa formation, il était composé de lave assez jeune, donc, et robuste.
Depuis sa formation, le volcan est parcouru par des fluides très acides, qui proviennent du système hydrothermal et qui le rongent de l'intérieur,
et il pourrait aujourd'hui s'effondrer, ayant perdu de sa cohésion mécanique.
Ça peut être un effondrement d'un secteur ou de l'ensemble.
Les radiographies nous renseignent sur la taille et le nombre de zones altérées qui peuvent s'effondrer en cas de séisme.
- Les premiers résultats obtenus grâce à ce télescope innovant révèlent la grande fragilité de la Soufrière.
Rongé de l'intérieur, le socle du volcan peut s'effondrer à la moindre secousse.
Une catastrophe potentiellement terrible pour les habitants.
La Soufrière et autres volcans de l'archipel antillais matérialisent le choc entre la plaque caraïbe et l'Atlantique.
un phénomène identique est en cours.
Sur sa façade ouest, la plaque caraïbe et la pointe sud du continent nord-américain sont bousculées par un autre océan, le Pacifique.
Ce dernier est peu à peu englouti dans les profondeurs.
Et là encore, la rencontre des plaques entraîne l'apparition de nombreux volcans.
Le dernier en date est sorti de terre il y a moins d'un siècle.
Hier, à l'échelle géologique.
Nous sommes le 20 février 1943.
Un paysan mexicain inspecte ses champs en fin de journée.
Il découvre une épaisse couche de cendres encore chaudes.
Des fumerolles brûlantes s'échappent du ventre de la terre.
Après 4 jours de grondements, un volcan de 60 m de haut est apparu.
Il grandit très vite et projette lave et cendres, qui détruisent les villages alentour.
Le
Paricutin est un des rares volcans à avoir émergé sous les yeux de l'humanité.
Il s'ajoute à la longue ceinture volcanique sur la côte ouest du Mexique.
Non loin de là, le
Nevado de Toluca a émergé il y a plusieurs millions d'années.
Avec ses 4 690 m d'altitude, c'est le 4e plus haut sommet du pays.
Aujourd'hui, il est éteint.
Il arbore à son sommet deux cratères remplis de lacs aux eaux cristallines.
Ce décor grandiose est un terrain d'action pour
José Luis Arce de l'université du Mexique.
L'objectif du chercheur: mieux connaître l'histoire géologique de cette région à forte concentration de volcans.
- Ici, au Mexique, dans la partie centrale, le volcanisme est dû à la subduction d'une partie de la plaque pacifique sous la nord-américaine.
Cette subduction produit un volcanisme important.
A Nevado de Toluca, on le voit bien avec ce grand cratère qui fait 2 km de largeur et 1,5 km de longueur.
Ce volcan appartient en fait à la ceinture de feu du Pacifique.
- La ceinture de feu dont il parle, c'est ce gigantesque anneau volcanique autour du Pacifique, de l'Indonésie au Canada et de l'Amérique du Nord au sud du Chili.
- La ceinture de feu du Pacifique est la zone où se trouvent les limites de plaques.
Cela coïncide avec l'existence de nombreux volcans.
Ça correspond à des zones de subduction.
Il y a des volcans actifs et une forte sismicité.
Tout cela est dû à l'interaction entre les plaques.
- Dans la vallée de Mexico, un autre volcan, le
Xitle, a marqué l'histoire du pays de son empreinte fatale.
Il y a près de 1 300 ans, son éruption a détruit la ville de
Cuicuilco, cité antique très prospère d'Amérique du Sud.
José Luis Arce y retrouve
Maria Saudoval Gonzales, l'archéologue responsable du site.
Il lui parle en espagnol.
Ils arpentent les vestiges, à la recherche de traces des anciennes coulées de lave.
- Ici, nous avons des laves, des roches volcaniques.
Les bulles indiquent qu'elles comportaient des gaz. CO2 et vapeur d'eau, principalement.
Ces gaz s'échappent de la lave quand elle commence à avancer.
Et les bulles sont déformées par l'écrasement.
- Ces laves sont celles qui ont recouvert (??) Elle a été ensevelie approximativement en l'an 750, par le volcan Xitle.
Ce volcan se trouve au sud de la ville de Mexico.
- Ici, on peut voir des structures qui sont des coulées de lave.
Ce sont comme des rides qui se forment parce que la lave avance.
Elle avance et va laisser des traits.
- C'est parce que ça refroidit?
- Oui, elle avance et refroidit en même temps, et laisse ces marques indiquant la direction de la coulée.
- Telle une Pompéi d'Amérique, la cité engloutie de Cuicuilco est un site archéologique majeur, un témoin rappelant qu'ici,
l'histoire géologique a autrefois rejoint celle des hommes.
Mais en Amérique centrale, les éruptions ne sont pas la seule menace.
Au point de convergence des plaques, les mouvements tectoniques provoquent des séismes sous-marins.
Ces derniers peuvent engendrer des vagues colossales, voire même des tsunamis.
Selon les spécialistes, la région nord des Caraïbes serait fortement menacée.
Au cours des 500 dernières années, plus de 50 tsunamis y ont déjà été enregistrés.
A l'extrémité est de la zone, la région des Petites Antilles sous haute surveillance.
Le poste avancé du dispositif de vigilance se trouve en Guadeloupe, à l'observatoire volcanologique et sismologique.
Son directeur,
Daniel Amorèse, accompagne l'ingénieur
S. Deroussi
sur le terrain pour récolter les données enregistrées par un réseau de capteurs.
- C'est bien, le bâtiment est sain, on dirait qu'il n'a pas bougé.
Vous avez vérifié l'alimentation ?
- Oui, il acquiert, c'est OK.
- Pour évaluer les risques, les marégraphes ont été déployés dans tout l'archipel.
Ils enregistrent en continu les moindres évolutions du niveau de la mer.
- Si un tsunami se déclenche, tout le bassin va être touché.
Les instruments qu'on met en place... ce marégraphe va constater une vague qui a déjà eu lieu ici, et ça va servir pour la population des pays alentour, plus loin.
Et en retour, les collègues de toute la Caraïbe ont mis d'autres instruments chez eux, qui servent pour nous.
Donc il faut voir ce système comme quelque chose de global.
On peut pas faire un système seul dans son coin puisque les tsunamis mettent du temps à traverser les océans, et ce temps nous permettrait d'alerter les gens.
- Un séisme dans la partie nord de la plaque caraïbe pourrait générer des vagues de 12 m de haut et menacer 35 millions de gens.
Les forces tectoniques en action dans le nord des Caraïbes ont modelé le visage de la région.
Il y a des millions d'années, des îles volcaniques sont sorties des flots, et demain, elles seront peut-être englouties.
La collision entre la plaque caraïbe et l'Atlantique entraîne aussi de lents mouvements verticaux dans les fonds marins, qui font émerger ou submerger des fragments de la croûte terrestre.
En
Guadeloupe, l'île de Grande Terre est le fruit de ces déplacements incessants.
Ici, les strates rocheuses témoignent d'un passe mouvementé.
L'île a connu une succession d'épisodes marins puis terrestres pendant des millions d'années.
J.-F. Lebrun et
J.-L. Léticée sont géologues à
l'université des Antilles.
Ils veulent reconstituer l'histoire géologique complexe de Grande Terre.
A Sainte-Anne, ils explorent aujourd'hui une carrière.
- C'est ça qu'on appelle les calcaires blancs.
Ça pète les yeux.
- Au coeur du massif calcaire, ils recherchent des indices bien particuliers: des coraux fossilisés qui démontrent qu'autrefois, la mer recouvrait la région.
- Voilà, là, on en voit un.
Un
Agaricia.
On a tous les coraux qu'on rencontre dans des récifs profonds, calmes, ce qui permet au calcaire de se déposer et de construire cette formation.
Les "calcaires à Agaricia".
Cette carrière est assez exceptionnelle: deux récifs se sont installés l'un sur l'autre.
En bas, le calcaire à Agaricia, ça fait 40 m de haut, et puis on voit une surface d'érosion qui descend, qui ondule parce que des chenaux se sont creuses, jusque là-bas.
Cette surface d'érosion a enregistré une baisse du niveau marin.
Et l'érosion a entaillé la falaise.
- Le niveau de la mer est descendu.
Puis, au gré des variations, la mer remonte doucement, entraînant du sable avec elle.
Ce sable se dépose sur le récif de corail, jusqu'à le recouvrir totalement.
- On voit, la mer remonte, les plages reviennent jusque là-haut.
Et puis, au sommet, on voit apparaître un 2e récif, le récif à Acropora, qui a cet aspect grumeleux, vu d'ici.
Ce 2e récif s'est mis sur le dessus.
C'est la stabilisation du haut niveau marin.
- Après ce 2e épisode d'immersion, Grande Terre a connu un ultime sursaut sous l'effet des mouvements de subduction.
Il y a 400 000 ans, elle a refait surface pour devenir l'île actuelle.
Plus au nord, l'archipel des Grandes Antilles subit aussi le face-à-face entre plaques caraïbe et nord-américaine.
Mais ici, les conséquences sont un peu différentes.
Au lieu de plonger l'une sous l'autre par subduction, les plaques coulissent, et au milieu, une autre faille gigantesque est apparue.
Haïti et sa capitale Port-au-Prince se trouvent au coeur de cette zone de décrochement.
Le 12 janvier 2010, un séisme de magnitude 7 a dévasté le pays.
Plus de 230 000 victimes.
Aujourd'hui encore, Haïti panse ses blessures.
Port-au-Prince se relève doucement.
Mais les stigmates demeurent bien visibles.
Ce séisme ravageur a servi d'électrochoc pour la communauté internationale.
Désormais, on veut pouvoir prédire le plus tôt possible la survenue d'un nouveau séisme.
Un vaste programme de surveillance a donc été mis en place.
S. Symithe, chercheur à l'université de Purdue, participe au projet.
Depuis plusieurs mois, il parcourt Haïti pour installer des capteurs GPS.
Les appareils permettent d'observer les moindres déplacements du sol, puis de cartographier avec précision les zones de déformation, et de déterminer la vitesse de déplacement des plaques.
- On l'installe et on le laisse 3 ou 4 jours.
Ensuite on l'enlève et on revient, pendant 3-4 mois, régulièrement, pour voir les mesures, et s'assurer qu'on a une serie temporelle qui est représentable.
Grâce à ces mesures, on peut faire des calculs pour voir comment a varié l'état de contrainte dans la croûte, et ça permet d'expliquer les répliques qu'on observe après le séisme.
Et peut-être qu'on pourra expliquer d'autres séismes à venir.
- Les premières mesures effectuées révèlent des déformations de l'ordre de 2 cm par an.
Peu à peu, les chercheurs comprennent mieux les mécanismes en jeu dans la région.
Nul doute qu'ici, un nouveau séisme viendra faire trembler le sol.
Mais à ce moment-là, ils l'espèrent, les spécialistes le verront venir et pourront alerter les populations.
En attendant, les forces tectoniques continuent de modeler le paysage.
Le mouvement des plaques a déchiré les roches en profondeur, transformant le sous-sol en véritable gruyère.
Partout, rivières souterraines et grottes se sont formées.
Dans la commune de Pestel, les grottes de Bellony font partie des plus célèbres.
Emmanuel Soielik est le guide responsable des lieux.
Il les parcourt depuis des années pour en faire découvrir les merveilles aux visiteurs.
Inondées plusieurs fois, elles sont ornées d'innombrables stalactites et stalagmites aux dimensions impressionnantes.
- Il y a frottement de la plaque nord-américaine et de la plaque caribéenne.
L'eau est arrivée et a recouvert la montagne.
Un espace vide s'est créé en dessous.
Puis l'eau, en évacuant, a créé des stalagmites et des stalactites.
Et en même temps, ces concrétions que l'on voit, c'est l'eau qui les a créées.
- Emmanuel connaît les lieux par coeur.
Déjà enfant, il aimait se perdre dans les dédales de roches, malgré les superstitions qui les entouraient.
- Quand j'étais petit, je venais ici pour les cérémonies vaudou.
J'habitais à Pestel.
Pour moi, ces grottes, c'était un trou du diable.
- Sous terre ou dans les profondeurs de la mer, les cavités qui ponctuent la plaque caraïbe font partie des richesses de la région.
Pour les connaisseurs, le somptueux
Blue Hole, au large de
Belize, est devenu un spot incontournable de plongée.
Depuis des centaines de milliers d'années, l'Amérique centrale est redessinée au gré des mouvements de la croûte terrestre.
Sur sa façade est, les volcans et les séismes font partie de l'histoire.
A l'ouest, un autre type d'évènement a transformé le visage de la région.
Il y a 3 millions d'années, et l'Amérique du Sud se sont rapprochées, au point de se toucher.
Un nouveau territoire est né: l'isthme de Panama.
Selon les experts, il se serait forme en plusieurs étapes successives.
Tout commence il y a environ 15 millions d'années.
La plaque pacifique plonge sous la caraïbe, et un chapelet d'îles volcaniques apparaît.
Au même moment, les mouvements tectoniques font émerger des flots d'autres fragments de terre.
Les sédiments s'accumulent au fil des millénaires et remplissent les espaces libres.
Finalement, l'isthme se referme totalement il y a seulement 3 millions d'années.
Mais au début du 20e siècle, des hommes se sont opposés aux forces tectoniques.
Ils ont creusé un gigantesque canal pour relier comme autrefois l'Atlantique et le Pacifique.
Cet ouvrage colossal est un projet des plus difficiles.
Mais son impact commercial est encore considérable.
Depuis plusieurs mois, de nouveaux travaux sont en cours.
Objectif: élargir le canal pour le rendre accessible à de plus gros navires.
C'est une aubaine pour ces chercheurs.
Andres Cardenas est paléontologue en Colombie.
Avec ses collègues, il va régulièrement sur le terrain pour examiner les roches excavées par les pelleteuses.
- L'extension du canal de Panama nous a donné l'occasion d'examiner ce qui se trouve à cet endroit.
Parce que les travaux mettent au jour de nouvelles roches et de nouveaux fossiles.
Nous avons trouvé plusieurs types de mammifères, dans la région.
Certains animaux, comme les marsupiaux, sont d'origine sud-américaine.
Aujourd'hui, si vous allez au Texas, vous y trouverez des marsupiaux.
L'inverse est aussi vrai.
En Amérique du Sud, on trouve des mammifères d'origine nord-américaine, comme le jaguar.
Les mammifères que nous avons trouvés ici.
Donc il y avait un passage et l'Amérique du Sud.
- Quand les 2 Amériques se sont réunies, la faune a amorcé une migration à travers le pont de terre nouvellement apparu.
Après avoir évolué séparément, les espèces du Nord et du Sud se sont mélangées et ont colonisé de nouveaux territoires.
Cet évènement, "le grand échange interaméricain", a transformé la biodiversité des deux continents.
Pour Andrès Cardenas, chaque fossile mis au jour constitue un précieux indice.
- Dans la formation de l'isthme, on trouve des fossiles marins, notamment des huîtres.
Leur présence indique que cet endroit était submergé à un moment donné, puis s'est retrouvé au-dessus du niveau de la mer.
- Ce mélange de fossiles terrestres et marins permet de mieux comprendre la formation de l'isthme.
- Cela a été un évènement majeur.
Non seulement il a changé la répartition de la faune de l'Amérique du Sud et du Nord, mais il a aussi modifié le système de circulation atmosphérique.
Il a peut-être aussi change le système climatique de la Terre.
- Minuscule bandeau de terre coincé entre 2 continents, l'isthme d'Amérique centrale a fait changer l'équilibre de toute la planète.
Ce destin remarquable rejoint celui de l'ensemble de la plaque caraïbe.
Né au coeur des océans, façonné par les séismes et les volcans, sa construction a pris à peine plus de 100 millions d'années, rien à l'échelle géologique, mais a
engendré des paysages exceptionnels.
Aujourd'hui, l'histoire de la région est loin d'être terminée.
A l'est, la confrontation avec l'océan Atlantique fera apparaître de nouvelles îles.
Dans quelques millions d'années, elles pourraient même se lier, jusqu'à former un nouveau pont entre les 2 Amériques.